L’amour est-il une valeur sûre ?
X : Que pensez-vous des sentiments d’amour qui mènent à la souffrance ? Appelleriez-vous cela de l’amour ?
Y : Qu’est-ce que l’amour ?! Je ne saurais le définir…
En tout cas, je pense que l’amour est indissociable de la souffrance. Dès qu’il y a amour, il y a souffrance parce qu’il y a attachement ; une sorte de dépendance.
Ensuite évidemment, il y a des relations d’amour plus ou moins saines qui entrainent plus ou moins de souffrance ; en fonction de soi, de l’autre et de ce que l’on projette sur soi, l’autre et la relation.
X : Je trouve ça dure de me dire qu’amour va forcément avec souffrance… On a toujours envie que les choses se passent bien et puis je crois qu’au fond, on a tous cette idée que l’amour est ce qui peut nous arriver de meilleur, nous apporter l’équilibre, la complétude. Que c’est la réponse à notre solitude, à nos carences émotionnelles, voire à notre détresse.
Y : Oui… Cette image idéalisée de l’amour est très commune, mais je crois que c’est un fantasme dangereux. Pas uniquement parce qu’elle est fausse, mais aussi parce qu’elle nous fait nous perdre nous-mêmes.
Dans notre éducation et notre société, cette chose indéfinissable nous est présentée comme une clé essentielle : LA valeur ultime, LA chose à vivre. C’est sûr que ça en fait rêver plus d’un•e de trouver l’âme-sœur, la personne avec laquelle on filera le parfait amour !
Malheureusement, ce genre de rêve se transforme toujours en déception, en “plus jamais ça“ et quelquefois même en cauchemar. Étrange, non ? Où est donc passé le rêve, tout à coup ?
Il s’est évanoui dans le tumulte de sa confrontation au réel. Non pas tant que la réalité soit décevante en soi, même si elle peut évidemment être difficile. C’est surtout que la chute est proportionnelle à l’illusion de départ. Qu’avons-nous voulu que cette relation soit ? Au prix de quel aveuglement ? Quelle image avons-nous voulu montrer de nous-même ? Qu’est-ce que l’autre a voulu montrer de lui ou elle-même ?
Voilà des questions importantes qui déterminent dès le départ la qualité de ce que sera une relation. Car que peut-on attendre d’une relation fondée sur une idée déconnectée de la réalité ?
Je pense que lorsque l’on veut faire coller une personne ou une relation à un idéal, on va dans le mur. Tout simplement parce que tordre la réalité – en clair, mentir et se mentir – ça peut marcher un temps, mais on est vite rattrapé•e et ça peut devenir hideux.
X : Oui bon, on peut se tromper aussi. Se laisser embarquer.
Et puis, est-ce que ça veut dire qu’il faut baisser son niveau d’exigence pour éviter d’être déçu•e ?
Y : Bien sûr, qu’on peut se tromper. Et plus tôt on s’en rend compte, mieux c’est.
Baisser son niveau d’exigence ? Qui parle de ça ? Voir les choses en face, ça oui c’est de l’exigence !
Vouloir la personne parfaite et l’histoire parfaite, c’est au contraire brader sa vie pour une idée, pour des rôles pré-établis et des obligations plaquées ; c’est se donner à une superficialité crasse.
Plus on se raconte d’histoires, ce que nous avons tous tendance à faire au moment de la rencontre, plus on a de chances de courir à l’échec ; que la relation soit courte ou qu’elle dure toute la vie. Quoi de plus triste qu’un couple qui “tient bon“ mais où les gens n’ont plus rien à se dire et transpirent le ressentiment ?
X : Je comprends bien, mais alors n’est-on pas en train de signer l’arrêt de mort du romantisme ?
Y : Ah c’est sûr que quand on prend la peine de lever le voile sur les jeux de la séduction, sur les effets spéciaux du moment parfait avec la personne parfaite, de l’homme fort et galant, de la femme séduisante et sensible, quand on essaie d’y voir plus clair au moment-même de l’emballement amoureux, oui c’est vrai, le romantisme en prend un coup.
Mais on peut aussi en jouer, sans plus en faire un passage obligé qui définirait l’instant ou la relation à l’autre.
Je crois que la question de fond c’est surtout : qu’est-ce qu’une relation ? Et : qu’est-ce qui en détermine la qualité ?
X : Je dirais la bonne compagnie, le sexe, l’admiration, des valeurs communes ?…
Y : Et qu’est-ce que ces jolies idées deviennent quand l’image que l’on a de l’autre et de la relation est figée, idéalisée ? Quand tout est gravé dans le marbre en fonction d’une idée prédéfinie du bonheur et de l’amour, de ce que l’autre doit être ou doit donner ?… Sachant que bien souvent on ne se rend même pas compte qu’on a de telles idées sur l’amour ! Elles nous sont majoritairement inconscientes.
Sans évolution, toutes ces jolies idées passent du flamboyant au flétri en l’espace de quelques mois ou années. L’exaltation, l’ivresse et l’aveuglement joyeux laissent vite place à la misère de l’incompréhension et de la colère.
Qu’est-ce qu’une relation sans évolution des idées, des personnes, de la vision que l’on a de soi et de l’autre ? Qu’est-ce qu’une relation sans encouragement mutuel à la croissance et au changement ?
X : Avec le risque que l’autre se révèle différent de ce que l’on voudrait, qu’il ou elle grandisse dans une direction qui ne nous correspond plus…
Y : Oui.
X : C’est dur. Ça fait peur quand même.
Y : Oui, c’est une des choses les plus difficiles qui soient.
Mais au bout du compte, cela nous met face à deux options : l’idéalisation (sa momification mentale et sa prison émotionnelle), ou bien la prise en compte du réel (sur la voie du respect de soi et de l’autre).
Et croire qu’on peut saupoudrer notre vie d’un peu des deux, c’est juste enterrer la deuxième.
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