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Photo d’une femme dont le visage est maquillé tel un clown. Illustration du billet : Selfie ou nutella ?

Selfie ou Nutella ?

Par Élisabeth Feytit
Faut-il perpétuellement que l'on fuie le brouhaha pour le silence, pour ensuite y retourner ?

Faut-il perpétuellement que l’on fuie le brouhaha pour le silence, pour ensuite y retourner ?

Faut-il que l’on travaille comme une brute pendant des mois pour enfin prendre des vacances à ne rien faire, et s’ennuyer au bout de deux jours ?

Faut-il que l’on sorte tous les soirs pour finalement ne plus voir personne, réfugié•e dans son lit avec un pot de Nutella et les 11 épisodes d’une série ?

Faut-il éviter sa famille toute l’année pour se résoudre chaque 23 décembre à assister au fameux repas de Noël ?

Combien de fois faut-il vivre le tout / rien, le j’ouvre / je ferme, le je me montre / je me cache pour se rendre compte de la folie de ce petit manège ? Combien de fois faut-il accomplir le rituel pour décider un jour que ça suffit ?

Dans un cas, je m’expose, je cherche à être aimé•e pour l’image que je projette et qu’on me renvoie. En tant que femme, je m’habille, je parle comme je pense qu’il est acceptable ou même enviable de le faire. Je cherche la reconnaissance, la cooptation, l’intégration, le statut de la bonne amie, de la référence, de celle qui met l’ambiance, qui a du style ou qui réussit.

Dans ces moments-là, je me mets en scène… Mais surtout en péril.

Car il y a un fossé béant entre cet idéal que je cherche à incarner et l’image que j’ai de moi. Cette perfection à atteindre, je la devine, je la copie de ce que la société me renvoie sur ce qu’est la femme idéale : à la fois fun et adulte, à la fois digne de confiance et un tant soit peu originale, bonne sœur, bonne fille, jolie (sexy c’est mieux), sympa, drôle, légère, sérieuse, mère accomplie et épanouie, solide, stable, dans la réussite professionnelle et claire dans ses choix bien sûr. Bref, l’enfer.

(je passe ici sur les canons que les hommes sont eux aussi invités à suivre)

Alors oui, à un moment donné, on a envie de se recroqueviller, de revenir à soi. Mais dans quel état ? Dans celui d’un•e enfant perdu•e qui cherche le réconfort de sa mère, dans un infantilisme stérile qui ne représente finalement que le point de départ d’un nouveau saut dans le nasse, dans le fracas du miroir aux alouettes.

Pourquoi tout ça ? Bien sûr qu’avoir une vie sociale est important (ne pas en avoir mène a une folie d’une toute autre puissance). Bien sûr que prendre du temps pour soi est important. Alors où est le problème ?

Le problème, c’est notre bruit mental, notre désordre intérieur. Notre désir maladif de toujours vouloir trouver une solution, une réponse, un remède, sans même formuler la question de ce qui ne va pas. À ce stade, on n’en est même plus à soigner le symptôme. On en est à le cacher ! On ne fait qu’ajouter de la confusion à la confusion.

Mais attention ! La question n’est pas ici de dénoncer ce que la société cherche à m’imposer, pour m’en libérer dans un sursaut de révolte. Il s’agit plutôt d’identifier ce que je fais de ses injonctions, ce que j’y trouve ; en quoi elles répondent à mes propres peurs, en quoi elles me permettent de nourrir mes propres schémas répétitifs.

La vraie question (si on veut bien prendre la peine de se la poser) doit porter sur la qualité de cette expérience, sur ce que l’on y cherche et dans quel état d’esprit on la vit. Car le problème ne réside pas dans l’expérience elle-même, mais dans la manière dont on la traverse.

Qu’est ce que je cherche ou fuis dans telle relation ? Dans mon travail ? Dans cette activité ? Dans cette solitude ? Quelle est cette confusion qui s’empare de moi quand tout paraît parfait, ou au contraire quand rien ne se passe comme je le voudrais ?

L’idée ici n’est pas de s’interdire par principe telle pratique ou tel mode de fonctionnement qui semble destructeur (dans certains cas, ça peut aider cependant), mais plutôt d’OBSERVER, de porter son attention sur ce que l’on ressent, ce qui fait peur, ce qui rassure dans tout ce que l’on fait, jour après jour.

L’observation (amusée) et le questionnement rigoureux permettent de sortir de la perpétuelle recherche de solutions, de réponses miracles à un désordre qui ne peut que grandir tant qu’il n’est pas regardé droit dans les yeux.

Parce qu’une fois identifié, analysé et compris intimement, le désordre s’efface de lui-même, naturellement. Si miracle il y a en cette vie, il ne faut pas le chercher ailleurs.

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Commentaires

Commentaires (4)

  1. Cédric.
    Il y a 6 ans
    Très juste. Se poser les questions essentiels : qu'est-ce que JE veux ? qu'est-ce que JE pense ? Et ne pas se perdre dans les questions inutiles qui sont  : Que va en penser la "société" ? Que va penser ma famille ? Qu'en pense mon amie ? Que va penser le voisin ? etc. etc.
    1. Élisabeth Feytit
      Il y a 6 ans
      Autrice
      Toute la question est de savoir d'où vient ce fameux "ce que je veux". Et la réponse n'est pas simple. On ne peut nier l'influence de la société, de la famille, de notre entourage sur nos désirs, notre jugement et nos décisions. C'est justement en envisageant cette influence en soi, en essayant de voir où elle agit chez nous et comment, qu'on peut la comprendre et s'en défaire, le cas échéant.
  2. Alice
    Il y a 2 ans
    Je tombe par hasard sur ce billet qui parle tellement de ce que je vis en ce moment. Balancer d'une envie à l'autre avec la peur de faire le mauvais choix, se questionner sur les raisons qui me poussent vers l'un ou l'autre.... avec ce poids de la société qui, malgré ce qui peut être clamé, ne laisse pas trop de place à l'échec, et met en avant l'"hypersociabilité"
    1. Élisabeth Feytit
      Il y a 2 ans
      Autrice
      Merci pour ce retour et j'espère que ce billet aura nourri votre réflexion.

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